Page:Barbey d’Aurevilly - L’Ensorcelée, Lemerre, 1916.djvu/60

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de ses Conciles, la magie, la sorcellerie, les charmes, non comme choses vaines et pernicieusement fausses, mais comme choses réelles, et que ses dogmes expliquaient très bien. Quant à l’intervention de puissances mauvaises dans les affaires de l’humanité, j’ai encore pour moi le témoignage de l’Église, et d’ailleurs je ne crois pas que ce qui se passe tout à l’heure dans le monde permette aux plus récalcitrants d’en douter… Je demande qu’on me passe ces graves paroles, attachées un peu trop solennellement peut-être au frontispice d’une histoire d’herbager, racontée de nuit dans une lande du Cotentin. Cette histoire, mon compagnon de route me la raconta comme il la savait, et il n’en savait que les surfaces. C’était assez pour pousser un esprit comme le mien à en pénétrer plus tard les profondeurs. Je suis naturellement haïsseur d’inventions. J’aurais pu, la mémoire fraîchement imbibée du langage de maître Tainnebouy, écrire, quand nous fûmes arrivés à la Haie-du-Puits, tout ce qu’il m’avait raconté, nais je passai mon temps à y songer, et c’est ce que j’en puis dire de mieux. Aujourd’hui que quelques années se sont écoulées, m’apportant tout ce qui complète mon histoire, je la raconterai à ma manière, qui, peut-être, ne vaudra pas celle de mon herbager cotentinais. Donnera-t-elle au moins à ceux qui la liront la même volupté de songeries que j’eus à en ruminer dans ma pensée les événements et les personnages, le reste de cette nuit-là, le coude appuyé sur une mauvaise table d’auberge, entre deux chandelles qui coulaient devant une braise de fagot flambé, au fond d’une