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les portes de la sacristie s’étaient ouvertes, sans personne ! La nef commençait de blanchir. Tout était, dans l’église, tranquille et comme à l’ordinaire. Je m’en allai de delà, moulu de corps et d’esprit… et de tout cha je ne dis mot à ma femme. C’est pus tard que j’en causai pour ma part, parce qu’on en causait dans la paroisse. Un matin, le sacristain Grouard avait, à l’ouverture, trouvé dans les bénitiers des portes l’eau bénite qui bouillait, en fumant, comme du goudron. Ce ne fut que peu à peu qu’elle s’apaisa et se refroidit ; mais il paraît que pendant la messe de ce prêtre maudit, elle bouillait toujours ! »

« Tel fut le dire de Pierre Cloud lui-même, — ajouta maître Louis Tainnebouy, dont la voix avait subi, en me les répétant, les mêmes altérations que quand il avait commencé de me parler de cette messe nocturne, — et voilà, monsieur, ce qu’on appelle la messe de l’abbé de la Croix-Jugan ! »

J’avoue que cette dernière partie de l’histoire, cette expiation surnaturelle, me sembla plus tragique que l’histoire elle-même. Était-ce l’heure à laquelle un croyant à cette épouvantable vision me la racontait ? Était-ce le théâtre de cette dramatique histoire, que nous foulions alors sous nos pieds ? Étaient-ce les neuf coups entendus et dont les ondes sonores frappaient encore à nos oreilles et versaient par là le froid à nos cœurs ? Était-ce enfin tout cela combiné et confondu en moi qui m’associait à l’impression vraie de cet homme si robuste de corps et d’esprit ? Mais je conviens que je cessai d’être un instant du