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murs du cimetière, et rentra par le portail, qui resta ouvert. Il y avait tant de monde à Blanchelande ce jour-là, et le temps était si doux et presque si chaud, que beaucoup de personnes se groupèrent au portail et, de là, entendirent la messe. Il y en avait jusque sous l’if planté en face du portail.

Cependant, après le temps mis à chanter l’Introït, pendant lequel l’officiant va revêtir les ornements sacrés, les portes de la sacristie s’ouvrirent, et l’abbé de la Croix-Jugan, précédé des enfants de chœur portant les flambeaux, des thuriféraires et des diacres, apparut sur le seuil, en chasuble, et marcha lentement vers l’autel. Le mouvement de curiosité qui avait eu lieu dans l’église quand la procession était passée recommença, mais pour cette fois sans déception. Le capuchon avait disparu, et la tête idéale de l’abbé put être vue sans aucun voile…

Jamais la fantaisie d’un statuaire, le rêve d’un grand artiste devenu fou, n’auraient combiné ce que le hasard d’une charge d’espingole et le déchirement des bandelettes de ses blessures par la main des Bleus avaient produit sur cette figure, autrefois si divinement belle qu’on la comparait à celle du martial Archange des batailles. Les plus célèbres blessures dont parle l’Histoire, qu’étaient-elles auprès des vestiges impliqués sur le visage de l’abbé de la Croix-Jugan, auprès de ces stigmates qui disaient si atrocement le mot sublime du duc de Guise à son fils :

« Il faut que les fils des grandes races sachent se bâtir des renommées sur les ruines de leur propre corps ! »

Pour la première fois, on jugeait dans toute sa splen-