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cher retentissant. Comme elle agissait au nom d’un devoir et que, d’ailleurs, elle était toujours la fière Clotte, elle ne parla point à ces femmes qui, le dos tourné, chuchotaient entre elles et s’entretenaient de la morte, de maître Thomas Le Hardouey et de l’abbé de la Croix-Jugan. Et voilà pourquoi aussi, quand elle se leva, d’accroupie qu’elle était, avant que la messe fût finie, elle put échapper au regard de ces femmes qui ne l’avaient pas remarquée.

Cependant, la messe étant dite, les porteurs reprirent la bière sur les tréteaux où elle avait été déposée, les prêtres se mirent à monter la nef en chantant les derniers psaumes, et débouchèrent par le portail, suivis de la foule, dans le cimetière, où la fosse creusée attendait le cercueil, Instant pathétique et redoutable ! Le cœur de l’homme le plus fort n’y résiste pas, lorsque, rangés en cercle, leurs cierges éteints, au bord de la tombe entrouverte, les prêtres versent l’eau bénite, dans un requiescat suprême, sur la bière dépouillée de sa draperie noire et sur laquelle la terre, poussée par les bêches, croule avec un bruit lamentable et sourd. On était parvenu à ce moment terrible, et jusque-là rien n’avait troublé l’imposante et navrante cérémonie. Seulement, quand le clergé, ayant béni le cercueil, se fut retiré, après un Amen suivi d’un morne et vaste silence, laissant la foule groupée autour de la fosse qu’on remplissait et jetant à son tour l’eau sainte, comme il l’avait fait avant elle, une femme, qui était agenouillée sur la terre relevée de la fosse, et à laquelle personne n’avait fait attention, se leva