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blaient à des chattes qui rencontrent une mare et qui ne savent comment s’y prendre pour ne pas mouiller leurs pattes en passant.

« Et où donc qu’il est, le pâtre ? » — fit encore la mère Ingou en regardant derrière elle entre deux coups de battoir que l’écho matinal répéta.

Toutes trois regardèrent : il n’était plus là. Il avait disparu comme s’il s’était envolé.

« Il avait donc sous sa langue du trèfle à quatre feuilles, qui rend invisible, car il était là tout à l’heure et il n’y est plus, — dit la Mahé, visitée ce matin-là par tous les genres de terreur. Elle ressemblait à une vieille pelote couverte d’aiguilles, et dans laquelle on en pique toujours une de plus.

— Est-ce que vous créyez à toutes ces bêtises ? — répondit la mère Ingou, tordant son linge dans ses mains sèches. — Du trèfle à quatre feuilles !… qui en a jamais vu, du trèfle à quatre feuilles ? En v’là une idée ! A-t-on assez joqueté dans Blanchelande quand le bonhomme Bouët est allé un jour, avec un de ces bergers qui font les sorciers, chercher de ce soi-disant trèfle et de la verveine dans la Chesnaie Cent-sous, après minuit, au clair de la lune, et en marchant à reculons !

— Les risées n’y font rien, — dit la mère Mahé, — que vère, j’y crais, au trèfle à quatre feuilles ! Et pourqué pas ? Défunt mon père, qui n’était pas déniché d’hier matin, m’a dit bien des fois qu’il y en avait… »

Mais tout à coup elles furent interrompues par le rire guttural du berger. Il avait, sans qu’on le vît,