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doit être M. l’abbé de la Croix-Jugan qui passe là. » Lui qui y voit dans la nuit comme un cat, car il a été Chouan, vous savez ! m’a dit avec cette voix du commandement qui vous coupe le sifflet quand il parle : « C’est toi, la Simone ! Mme la comtesse de Montsurvent, qui est malade, vient de m’envoyer chercher, et je pars. Tu trouveras la clef à la place ordinaire. » T’nez, mon cher monsieur Le Hardouey, v’nez quant et moi, et regardez là… sous c’te pierre. Vous n’êtes pas un voleur, vous, et j’peux bien vous le dire… C’est là qu’il met toujours sa clef. Et, vous l’voyez, la v’là qui s’y trouve. » — Et, en effet, elle prit une clef sous une pierre qu’elle souleva dans le petit mur de la cour, et, l’ayant tournée dans la serrure, ils entrèrent tous deux, lui comme elle. Elle, pour faire son ménage accoutumé ; lui, ne sachant trop à quel instinct de défiance il obéissait, mais voulant voir.

C’était la construction élémentaire de toute maison en Normandie, que la maison du bonhomme Bouët, fieffée par l’abbé de la Croix-Jugan. Il y avait au rez-de-chaussée tout simplement un petit corridor, avec deux pièces, l’une à droite, l’autre à gauche, faisant cuisine et salle, et au premier étage deux chambres à coucher. Simone Mahé et Le Hardouey entrèrent dans la salle d’en bas, et, quand elle eut poussé les volets de la fenêtre, Le Hardouey, qui regardait autour de lui avec une investigation ardente, reconnut cette salle du miroir qui ne s’effaçait pas de sa mémoire et qu’il revoyait toujours en fermant les yeux.