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guez pas votre quevâ sû nous, ou i’vous arrivera du malheu ! »

Et, comme Le Hardouey poussait sa jument, il allongea son bâton ferré aux naseaux de la bête, qui recula en reniflant.

Le Hardouey blêmit de colère, et il releva son pied de frêne en jurant le Saint Nom.

« J’ n’avons pé paoû de vos colères de Talbot, maître Le Hardouey, — dit le berger avec le calme d’une joie concentrée et féroce, — car j’ vous rendrons aussi aplati et le cœur aussi bresillé que votre femme, qui était bien haute itou, lorsque j’ voudrons.

— Ma femme ? — dit Le Hardouey troublé et qui abaissa son bâton.

— Vère ! votre femme, votre moitié d’arrogance et de tout, et dont la fierté est maintenant aussi éblaquée que cha ! — répondit-il en frappant de sa gaule ferrée une motte de terre qu’il pulvérisa. — D’mandez-lui si elle connaît le berger du Vieux Probytère, vous ouïrez ce qu’elle vous répondra !

— Chien de mendiant, — cria maître Thomas Le Hardouey, — quelle accointance peut-il y avoir entre ma femme et un pouilleux gardeur de cochons ladres comme toi ?… »

Mais le berger ouvrit son bissac par devant et y prit, après avoir cherché, un objet qui brilla dans sa main terreuse.

« Connaissez-vous pas cha ? » — fit-il.

Le soir avait encore assez de clarté pour que Le Hardouey discernât très bien une épinglette d’or