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cristie de l’église de Blanchelande ne doit pas être un nid à Chouans qui se cachent. Et d’ailleurs pourquoi toute cette chouannerie qui n’a que trop duré, maintenant que les églises sont rouvertes et que nous r’avons nos curés ? Ce prêtre m’a toujours épeurée, — fit-elle ; — on dit de lui bien des choses terribles. Il ferait mettre à sac tout Blanchelande, avec ses comploteries contre le gouvernement. S’il était vraiment pénitent, depuis le temps, Mgr l’évêque lui aurait remis ses pouvoirs de confesser et de dire la messe. Il faut qu’il soit bien enragé, au contraire, puisqu’il entraîne une femme comme maîtresse Le Hardouey dans son péché. Mon doux Jésus ! qu’est-ce qu’ils peuvent bien avoir fait, tous deux, dans la sacristie ? Et peut-être en ce moment qu’ils y sont encore ! Ah ! certainement j’en parlerai à M. le curé, et dès ce soir, en lui servant sa collation de jeûne. Ne m’en détournez pas. Adieu, ma fille. Je suis tenue en conscience, et sous peine de péché mortel, d’avertir M. le curé de ce qui se passe. Il n’y a pas là-dessus la seule difficulté. »

Et, après avoir lâché ce flux saccadé de paroles, elle se mit à trottiner sous le vent qui la poussait, — un vent sec et froid de Semaine Sainte, — qui n’avait cessé de souffler aux jupes et au mantelet de nos deux flânières et qui emporta leurs propos par-dessus les haies. En effet, c’est à partir de cette journée qu’à Lessay et à Blanchelande on commença de joindre ensemble les noms de Jeanne Le Hardouey et de l’abbé de la Croix-Jugan.

Nônon Cocouan ne s’était pas trompée. Elle avait