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Blanchelande. Le custó[1] y renferme à présent des bouts de cierges brûlés et les chandeliers de cuivre qui ont été remplacés par les chandeliers d’argent. Eh bien ! sur mon salut éternel, croyez-le si vous voulez maintenant, maîtresse Le Hardouey est sortie de là, bien enveloppée dans sa pelisse, et a gagné tout doucement, à petits pas et en chaussons, par la contre-allée, le chœur de l’église, où M. l’abbé de la Croix-Jugan faisait sa méditation dans sa stalle, et, pour lors, il s’est levé et ils s’en sont allés dans la sacristie tous les deux.

— Si vous êtes bien sûre de l’avoir vue, — reprit Barbe, qui ne voulait pas nier une minute de plus ce qu’elle grillait d’envie de croire vrai, — je dis comme vous, Nônon, que c’est un peu étonnant, ça ! Car quelle affaire peut avoir maîtresse Le Hardouey avec l’abbé de la Croix-Jugan, qui ne confesse pas et qui ne parle pas à trois personnes, en exceptant M. le curé ?

— Vère ! — dit Nônon. — C’est la pure vérité, ce que vous dites. Mais voulez-vous que des trois personnes à qui il parle, je vous en nomme deux auxquelles il cause plus souvent p’t-être que vous ne pensez ? »

Barbe s’arrêta dans le chemin, et regardant Nônon comme une vieille chatte qui regarde une jatte de crème :

« Vous êtes donc instruite ? — fit-elle avec une papelardise ineffable.

  1. Le custó (patois). C’est le nom que dans les villages du fond de la Manche on donne au sacristain, et nous l’avons écrit comme on le prononce. (Note de l’auteur.)