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thèse, démentait bien un peu l’idée de cette grande pénitence et de cet édifiant repentir dont avait parlé le curé Caillemer, la veille, au repas du soir, chez maître Thomas Le Hardouey.

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Ce soir-là, on attendit Jeanne-Madelaine au Clos. Elle était régulière dans ses habitudes et ordinairement toujours rentrée avant son mari. Ce soir-là, par exception, ce fut le mari qui rentra le premier à la maison. On ne vit point maîtresse Le Hardouey assister au repas de ses gens, et on entendit maître Thomas demander plusieurs fois où donc sa femme était allée. Plus étonné qu’inquiet, cependant, il se mit à table, après un quart d’heure d’attente prolongée. C’est à ce moment qu’elle rentra.

« Vous êtes bien désheurée, Jeanne, — fit Le Hardouey en l’apercevant et pendant qu’elle ôtait ses sabots dans l’angle de la porte.

— Oui, — dit-elle, — la nuit nous a surpris chez la Clotte, et elle est si noire que nous avons perdu deux fois notre route en venant.

— Qui, vous ? » — répondit Le Hardouey très naturellement.

Elle hésita ; mais, surmontant une répugnance que connaissons tous quand il s’agit de prononcer tout haut le nom que nous lisons éternellement dans notre pensée et dont les syllabes nous effrayent comme si elles allaient trahir notre secret, elle ajouta :

« Moi et cet abbé de la Croix-Jugan dont nous parlait hier M. le curé, et qui est venu chez la Clotte pendant que je m’y trouvais. »