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VIII

Ce dut être un moment solennel que le silence qui saisit tout à coup ces deux femmes après le récit de la Clotte. La Clotte, se ridant d’attention inquiète devant la pâleur de morte qui avait enveloppé Jeanne et qui semblait s’incruster jusqu’au fond de sa chair, regardait ce visage passant au bloc de marbre, et ces pesantes paupières qui couvraient rigidement de leurs voiles opaques les yeux disparus. L’absorption en elle-même de Jeanne-Madelaine était si complète que, si elle ne se fût pas tenue droite, comme une figure de bas-relief, sur son siège sans dossier, on eût pu la croire évanouie.

La Clotte mit une de ses mains aux doigts ténus comme la serre d’un oiseau de proie sur la paroi de glace de ce front sans sueur, sans frémissement d’épiderme, n’ayant plus rien d’humain, un vrai front de cataleptique.

« Ah ! tu es donc ici, ô Jéhoël de la Croix-Jugan ! » — cria-t-elle.