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battent plus, n’ont pu affaiblir les croyances religieuses que leur ont transmises leurs ancêtres. En ce moment encore, après la Bretagne, la Basse-Normandie est une des terres où le catholicisme est le plus ferme et le plus identifié avec le sol. Cette observation n’était peut-être pas inutile quand il s’agit d’un roman dans lequel l’auteur a voulu montrer quelle perturbation épouvantable les passions ont jetée dans une âme naturellement élevée et pure et, par l’éducation, ineffaçablement chrétienne, puisque, pour expliquer cette catastrophe morale, les populations fidèles qui en avaient eu le spectacle ont été obligées de remonter jusqu’à des idées surnaturelles.

Quant à la manière dont l’auteur de L’Ensorcelée à décrit les effets de la passion et en a quelquefois parlé le langage, il a usé de cette grande largeur catholique qui ne craint pas de toucher aux passions humaines lorsqu’il s’agit de faire trembler sur leurs suites. Romancier, il a accompli sa tache de romancier, qui est de peindre le cœur de l’homme aux prises avec le péché, et il l’a peint sans embarras et sans fausse honte. Les incrédules voudraient bien que les choses de l’imagination et du cœur, c’est-à-dire le roman et le drame, la moitié pour le moins de l’âme humaine, fussent interdites aux catholiques, sous le prétexte que le catholicisme est trop sévère pour s’occuper de ces sortes de sujets… À ce compte-là, un Shakespeare catholique ne serait pas possible, et Dante même aurait des passages qu’il fau-