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nongate aurait pu des chroniques de la Chouannerie si, au lieu d’être Écossais, il avait été Breton ou Normand.

Il est bien probable qu’on se le demandera encore après avoir lu le livre que nous publions. Cependant des circonstances particulières ont mis l’auteur en position de savoir sur la guerre de la Chouannerie des détails qui méritent vraiment d’être recueillis. Les populations au sein desquelles la Chouannerie éclata, pour s’éteindre si vite, sont les populations de France les plus fortement caractérisées. Quoique essentiellement actives et se distinguant par les facultés qui servent à dominer les réalités de la vie, la poésie ne manque pas à ces races, et les superstitions qu’on retrousse parmi elles, et dont L’Ensorcelée est un exemple, ou plutôt un calque, montrent bien que l’imagination est au même degré dans ces hommes que la force du corps et que la raison positive. Du moins si, comme les populations du Midi, ils n’ont pas cette poésie qui consiste dans l’éclat des images et le mouvement de la pensée, ils ont celle-là, peut-être plus puissante, qui vient de la profondeur des impressions…

C’est cette profondeur d’impressions qu’ils ont jusqu’à ce moment opposée aux efforts tentés depuis cinquante ans pour arracher des âmes le sentiment religieux. Ni les fausses lumières de ce temps ni la préoccupation, incontestable chez les Normands, des intérêts matériels, auxquels ils tiennent en vrais fils de pirates et pour lesquels ils plaident, comme l’immémorial proverbe le constate, depuis qu’ils ne se