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de la Croix-Jugan a été un grand coupable, il est maintenant un grand pénitent. Entraîné sans doute par les passions de cette vie de soldat qu’il a menée, il s’est, un instant, perdu dans les voies humaines. Après le combat de la Fosse, il crut la cause de son parti désespérée, et, oubliant tout à fait qu’il était un chrétien et un prêtre, il osa, de ses mains consacrées, accomplir sur sa personne l’exécrable crime du suicide, qui termina la vie de l’infâme Judas.

— Comment ! c’est lui qui s’est ainsi labouré la face ?… — dit Le Hardouey.

— C’est lui, — répondit le curé, — mais ce n’est pas lui tout seul. »

Et il raconta la scène qui avait eu lieu chez Marie Hecquet, comment cette brave femme avait sauvé le suicidé et l’avait arraché à la mort. Jeanne écoutait ce récit avec une horreur passionnée, visible seulement à l’entr’ouvrement de sa belle bouche et à la contraction de ses sourcils. Elle ne jeta point de ces interjections par lesquelles les âmes faibles se soulagent. Elle demeura silencieuse, et la rêverie qui l’avait saisie à vêpres recommença.