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VI

Jeanne Le Hardouey, après avoir quitté Nônon Cocouan, se dirigea vers le Clos par le chemin qu’elle suivait souvent. Ai-je besoin de dire maintenant que c’était une de ces femmes dont les impressions se succédaient avec la régularité que leur naturel imprime aux êtres forts ? Et cependant le prêtre quelle venait de voir, ce tragique Balafré en capuchon, et ce que lui en avait raconté cette flânière de Nônon Cocouan, s’enfonçait en elle avec puissance et l’empêchait de marcher aussi vite qu’elle l’aurait fait dans tout autre moment. Les chemins étaient déserts. Les gens des vêpres s’en étaient allés dans des directions différentes. Malgré ce qu’elle avait dit à Nônon, qu’elle irait vite une fois qu’elle serait seule, elle ne se hâtait pas, car nulle peur ne la dominait. Il ne faisait pas froid, du reste. Le temps était doux, quoique agité. C’était une de ces molles journées du commencement de l’hiver où le vent souffle du sud, et où les nuées, grises comme le fer et basses à toucher presque avec