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ce qu’il y avait de flatteur pour lui dans une telle prière.

Elle, qui avait toujours rompu ou dénoué avec ces hommes qu’elle avait aimés quelques jours, devait lui donner le plus grand plaisir d’orgueil que pût ressentir un caractère élevé en lui demandant de rendre éternelles, au nom d’un sentiment plus haut placé que l’amour même, puisqu’il ne tombe pas en ruines comme l’amour, les relations que l’amour avait créées entre eux. Aussi, entraîné, promit-il tout ce qu’elle voulut, et lui fit-il les plus singuliers serments de lui rester à jamais fidèle pour le temps où il ne l’aimerait plus.

— Eh bien ! puisque c’est chose convenue, — dit-elle en respirant longuement, comme si elle eût été débarrassée d’un poids terrible, — je puis à présent tout vous dire. Mon pauvre Raimbaud, je ne vous aime pas.

Elle avait d’abord flatté son orgueil pour l’enchaîner, puis elle le blessait.

M. de Maulévrier devint pâle encore plus de colère que de douleur, car le malheur des gens d’esprit est de croire qu’on veut les jouer à propos de tout, et les commencements de la liaison de M. de Maulévrier avec Mme de Gesvres fortifiaient en lui cette idée-là.

Mais elle ne lui donna pas le temps de l’interrompre.

— Pas de colère, Raimbaud, — continua-