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charme qu’aimaient Rivarol et Talleyrand et qui est le majorat des femmes tendres. Ces dispositions, que lui seul appréciait, furent peut-être la cause de son admiration spontanée pour Mme de Gesvres. Du moins cela la prépara-t-il. Le monde reconnaissait à Mme de Gesvres beaucoup plus que cet esprit, le seul exigible dans les femmes, et qu’elles ont en commun, quand elles sont jolies, avec les pêches mûres et les roses mousse entr’ouvertes. Or cette opinion du monde pouvait influer sur M. de Maulévrier, qui n’était pas du tout un philosophe, et qui, dans ses fantaisies et ses préférences, n’avait pas le mauvais goût héroïque de mépriser l’opinion.

Quant à Mme de Gesvres, les mensonges qu’elle écrivit à son amie Mme d’Anglure furent beaucoup plus courts, et par conséquent beaucoup plus profonds que ceux de M. de Maulévrier. Si tout homme ment, dit le sage, toute femme ment aussi, mais beaucoup mieux. Au lieu d’arranger agréablement de petites faussetés en manière d’opinion, comme n’avait pas manqué de faire M. de Maulévrier, Mme de Gesvres eut l’art de glisser dans une lettre sur la façon de poser les volants et la forme nouvelle des turbans de l’hiver, un : « À propos, ma chère, j’ai vu M. de Maulévrier. Mon Dieu, comment est-il possible que vous vous soyez compromise pour cet homme-là ! » Il