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prenait avec son génie d’observation ordinaire. Elle répétait qu’il fallait tout faire, si tout amusait ; principe fécond en nombreuses conséquences et dont, cynique de bonne compagnie, elle entrevoyait fort bien la portée. Seulement, si l’on eût invoqué le principe en son nom, si l’on se fût réclamé contre elle de la bravoure de sa parole, elle aurait mis bien vite sa fierté à couvert sous l’interrogation assez embarrassante : « Vous ai-je dit, Monsieur, que cela m’amusât ? »

Laurette s’en était allée après avoir mis aux pieds de sa belle maîtresse les molles pantoufles, nourrices de la rêverie. Elle l’avait déshabillée pendant le temps que j’ai essayé de faire connaître un peu en gros et rapidement le caractère qui doit donner la vie à cet récit. Mme de Gesvres restait assise sur une espèce de divan très bas. Elle avait repris la lettre jetée par elle dans la coupe irisée où elle avait déposé les aigues-marines de ses oreilles. Elle se mit à relire nonchalamment cette lettre si vite parcourue et qui disait :

« Madame,

« Une de vos amies, Mme d’Anglure, a eu la bonté de vous parler de moi quelquefois. Je n’ose croire à un intérêt qui me flatterait trop, ne fût-il que la curiosité la plus simple. Mais vous avez eu la grâce de dire à Mme d’Anglure qu’elle pouvait m’amener à vos pieds. Ce n’est pas là préci-