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CIV


Mais ce n’est point un paradoxe : c’est une vérité triviale, vulgaire, usée, — si la vérité n’était pas aussi éternelle que ceux à qui nous devons des rentes viagères, — et mise à la portée de tous. Une lettre est une chose éminemment compromettante, une espèce d’état de service qui constate certains faits qu’il vaudrait bien mieux oublier. Du moins, quand on a relevé les boucles de ses cheveux un peu défaites et donné un coup d’œil à la garniture de sa robe, qui a droit de douter d’une vertu dont les épingles sont si bien attachées ? Mais une lettre, une mince lettre de papier diaphane, griffonnée d’une écriture jolie et imperceptible comme la patte du colibri, est une base assez solide aux indiscrétions d’un sot et aux prétentions d’un impertinent.