Page:Barbey d’Aurevilly - L’Amour impossible, La Bague d’Annibal, Lemerre.djvu/169

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jalousie. C’était ma dernière ressource que j’employais.

— Dernière et inutile, — reprit Bérangère. — Le jour où vous vîntes dîner chez moi fut pour tous les deux un jour funeste. Pour moi, il me montrait le fond de ce cœur rebelle à tout. Pour vous, il vous ôtait une dernière espérance et vous laissait un amour… éternel, — dit-elle après avoir un peu hésité, et risquant enfin la romanesque épithète. Et, comme la femme grave et compatissante se perdait toujours dans la coquette qui était si près, elle ajouta légèrement, en jouant avec les glands de sa robe de chambre : — Car, enfin, Monsieur, qui pourriez-vous aimer après moi ?

— Eh ! mon Dieu, la première venue, — fit lentement M. de Maulévrier avec une majesté d’impertinence qui frappa juste sur tout cet orgueil extravasé. — Quand on n’aime plus, la première venue est plus puissante que la femme qui fut le plus follement aimée, n’eût-elle que l’attrait de la nouveauté.

— Vous traitez l’amour comme un caprice, — fit-elle furieuse. Puis, mordant ses lèvres et rattrapant le sang-froid perdu : — C’est peut-être vrai — dit-elle — quand on n’aime plus, mais…

Elle n’acheva pas sa pensée. Elle trouva plus simple de le regarder. La joie du sauvage sûr