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ment, comme Nina : « Ce sera pour demain. » Au milieu de ce petit monde dont elle était le centre et la vie, elle était animée jusqu’au rire d’une amabilité un peu taquine, et disant sciemment du haut de son bon sens de ces absurdités charmantes qui vont si bien aux lèvres roses, grâces des femmes et des enfants. Quoique, plus malheureuse que Louis XIV, qui avait le bonheur d’aimer et de pleurer, elle fût reine et s’ennuyât, jamais l’ennui, que M. de Maulévrier savait être le fond de son âme, ne se trahissait dans ses paroles ou dans ses regards quand elle était entourée. L’être extérieur reprenait le dessus, et, plus forte que tout le reste, elle n’était plus, dans ces instants, qu’une irréprochable maîtresse de maison.

À aucune époque, elle ne s’était montrée autre chose aux yeux des autres pour M. de Maulévrier. Comme elle n’avait pas l’abandon de ses sentiments, ni mot plus mystérieux ni familiarité plus tendre n’avaient indiqué une de ces préférences sur la nature desquelles il est si facile de se tromper. Cependant les hommes qui la voyaient, et qu’elle n’écoutait pas, proclamaient, en l’enviant, le bonheur de M. de Maulévrier. Mais ce n’étaient point ses manières avec lui qui leur avaient donné cette idée ; c’étaient (après la peur que ce ne fût vrai) l’indépendance hardie qu’elle avait mise à recevoir, malgré les bruits de quelques salons, un