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glure sut lui épargner toutes les aspérités auxquelles il s’était déjà si rudement froissé. Elle ne fit aucune des petites mines d’usage avant d’accepter ce qui lui causait tant de plaisir. C’est même de cette époque que la fatuité de Maulévrier devint célèbre ; Caroline en couva et en développa le germe sous son amour. Elle l’aima avec la virginité de son âme, avec toutes les ignorances de son esprit. Elle l’aima sans songer à autre chose qu’à lui donner le plus grand bonheur possible, sans mesurer les conséquences de la passion qui se saisissait de son avenir, sans avoir le moindre souci de la fragilité des beautés qu’elle lui prodiguait, et dont elle trouvait qu’il ne s’emparait jamais assez. Elle qui, par la nature de sa beauté, était destinée à passer si vite, elle n’eut pas peur des dégâts affreux de la caresse, et elle s’exposa à tous les dangers du bonheur. Que voulez-vous ? elle l’aimait comme une femme qui n’a pas dans l’esprit la moindre portée, mais dont la céleste niaiserie est le plus délicieux hasard que Dieu puisse jeter dans la vie d’un homme amoureux !

M. de Maulévrier, qui, en fait d’amours de salon, avait, comme il arrive toujours, avalé considérablement de crème fouettée avec plus ou moins de vanille, s’abreuva pour la première fois, de ce lait chaud, pur et substantiel, d’un sentiment vrai. Il fit même comme les