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terne à la fin de sa journée, un vent froid après tant d’orages. Allan, auprès de qui elle s’était assise, en attendant Camille, sur le banc de l’extrémité de la terrasse avec cette grâce qui, plus que la beauté, lui était demeurée fidèle, Allan, à cette parole qu’il pouvait prendre pour un regret, eut comme le pressentiment de la fin prochaine de madame de Scudemor. Une voix lui disait dans le cœur que le désir trahi était exaucé ; mais ce pressentiment qui voila le front de l’homme d’une grande tristesse, n’effleura pas celui de la femme. Il n’approcha pas de qui l’eût repoussé comme un trop audacieux espoir de délivrance. Allan seul y fut accessible, comme seul il devait en souffrir. Les souvenirs de l’amour qu’il avait éprouvé pour elle s’attestaient d’une manière touchante et sacrée par l’état de grossesse d’Yseult. Mais, hélas ! faut-il appeler cela de l’égoïsme ? ou Dieu ne permettait-il pas qu’Yseult recueillît pur, à son tour, le sentiment qu’elle avait donné sans réserve ? En dehors d’elle comme au-dedans, solitude ! Et même, ce qu’Allan sentait d’attendrissement, à cette heure, était moins de la pitié pour elle que de la pitié pour son enfant.