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III

Quelques jours après la scène au jardin qui ouvre ce récit, la comtesse de Scudemor se tenait, assise et non pas à moitié couchée, — car rien ne languissait en elle, — sur un canapé, dans un appartement qu’elle habitait exclusivement aux Saules. Elle était enveloppée d’un long peignoir blanc, flottant négligé qui laissait entrevoir, à travers la vapeur de ses plis, les lignes et les contours d’une taille que le temps avait épargnée, comme une espèce de dédommagement de la royauté des anciens jours évanouie… C’était l’heure de la journée où les femmes font les apprêts de leur toilette avant le dîner, et où une maîtresse de maison, à la campagne, est parfaitement libre. La comtesse de Scudemor paraissait fort agitée. Des pensées comme des mouettes d’orage, inaccoutumées au ciel sans nuées de ce front, des pensées pénibles semblaient l’obséder. On voyait qu’il se débattait quelque chose dans son âme, quelque chose qui allait finir par une résolution, — mais se résoudre n’est pas toujours avoir vaincu.

Allan entra, chancelant, et comme écrasé par l’air et l’odeur de cette chambre où il mettait le pied pour la première fois. Il s’appuya contre un meuble.