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IX

camille à allan

« Ô Allan, Allan ! Qu’est-ce que je suis ? Qu’est-ce que je sens, depuis hier ? Il y avait des bonheurs encore, quand je croyais les avoir tous épuisés ! Il y avait de la vie au fond de la vie, un amour encore dans notre amour ! Dis-moi, y en a-t-il encore ? Sera-ce ainsi toujours, mon ami ? Oh ! alors, que cela est bon de vivre ! et toi qui parlais de mourir ?

« Ah ! j’ignorais la puissance d’une caresse quand on aime, et pourtant je connaissais tes caresses, et je ne t’aimais pas moins qu’aujourd’hui ! Tes baisers, ô mon frère, avaient la douceur du miel sur mes lèvres. Quand mon cœur faisait chaud dans ma poitrine, tes baisers semblaient descendre comme un lait exquis et rafraîchissant. Ils étaient un calmant pour mon âme. À présent, Allan, quelle différence ! Ils bouleversent ! Ils écrasent ! Ils font mourir ! — mais ces défaillances qu’ils produisent sont plus délicieuses encore que le calme qu’ils m’apportaient autrefois !

« Mon ami, est-ce donc qu’on ne sait jamais rien de soi ?