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intérieurement et sans cesse dans leur âme. Pan n’était pas leur Dieu. En vain Somegod, à la prière d’Altaï, avait essayé d’initier Amaïdée aux mystères qu’il comprenait si bien, aux fêtes solitaires de la Nature. La femme nerveuse avait trop vécu dans le fini pour sympathiser avec ces grands spectacles, pour être longtemps accessible à ces simples inspirations. Quand elle avait promené sur la grève, ramassé au flanc des falaises quelques fleurs dont Altaï lui expliquait les secrètes origines, lavé ses pieds dans l’eau laissée par la mer dans la crevasse d’un rocher et tressé ses cheveux sur sa tête, elle s’abandonnait avec inertie au cours des heures. Hélas ! toujours elle avait été aussi oisive, mais, sur les divans où elle avait passé ses jours dans le lazzaronisme du plaisir, elle n’avait pas besoin de résister à cette mollesse qui l’engourdissait en la touchant. Aujourd’hui, elle avait peine à se plier à cette existence dépouillée et rude, qui frappait ses délicatesses comme un vent acéré et froid. Elle était malade de civilisation.

Souvent Altaï la prenait avec lui, et, laissant le Poète dans sa rustique demeure, ils allaient errer aux environs. Ils revenaient après de longues