Page:Barbey d’Aurevilly - Amaïdée, 1890.djvu/85

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Tu me méprises, je le vois bien. Ton orgueilleuse vertu a ramassé une courtisane dans les sentiers impurs où elle marchait, mais, pour toi comme pour les moins pitoyables d’entre les hommes, cette courtisane était indélébilement flétrie… » Et l’altération de sa voix ne lui permit pas d’en dire davantage. Son passé lui revenait en mémoire, et, quand la Destinée nous abat, il est bien terrible de trouver dans ce passé une justification de la Destinée et l’absolution de la Douleur !

— «  Tu es injuste, Amaïdée, — reprit Altaï avec son accent profond et calme. — Tu sais bien que je n’ai jamais pensé ce que tu dis. Te mépriser ! Et pourquoi, pauvre créature ? Ne m’as-tu pas dit que l’éducation n’avait pas orné ta jeunesse, que les enivrements de ta vie ne pouvaient étouffer le remords du vice, la honte de ton abaissement ? Des mille pudeurs de la femme, ton front qui rougissait dans tes aveux n’en avait désappris aucune. Mais, à ta place, ô mon enfant ! toutes les femmes auraient succombé ; elles auraient souillé jusqu’à l’âme. Toi, tu n’as prostitué que le corps. Non ! je ne te méprise pas ; je t’estime encore comme un pré-