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s’assouvir ! le sentiment ne perd point de sa formidable intensité. Parce que, ma pauvre Lesbienne, tu ne voyais sur les rivages que les voyageurs entraînés par toi au fond des bois, parce que, dans tes nuits ardentes et vagabondes, tu ne relevas jamais ton voile pour admirer l’éclat du ciel, est-ce à dire, ô Amaïdée ! qu’il n’y avait à aimer que ce que tu aimais ! Est-ce qu’auprès de l’homme il n’y avait pas la Nature ? Est-ce à dire que toutes les adorations de l’âme finissaient toutes à l’amour comme tu le concevais ? Eh bien, moi, j’aimai la Nature, et toute ma vie fut dévorée par cette passion ! Je l’aimai avec toutes les phases de vos affections inconnues et que j’entendais raconter. Je reconnaissais, aux récits des hommes et aux chants des poètes consacrés aux amantes, que ce que j’éprouvais avait toutes les réalités de l’amour. Ce ne fut d’abord qu’une douce rêverie au sein des campagnes, des larmes venues vers le soir, un plongement d’yeux incessant dans les immensités du ciel, quand, assis sur quelque tertre sauvage, j’y oubliais la voix de ma mère ou de mes sœurs promenant alentour, ou que seul je pouvais à peine m’arracher, à la nuit, vers le tard. Les mères se méprennent sou-