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voix lente, — que l’accent dont tu dis cela est bien triste ? Ô homme que l’on dit être fort, ta parole n’est jamais découragée, mais ta voix l’est toujours ! Pourquoi ?

— Parce que je connais la destinée et la vie, — répondit Altaï en prenant dans ses bras la taille d’épi tremblant de la jeune femme qu’il avait peut-être craint d’affliger, — et que je n’attends rien d’elles deux ! »

Amaïdée écarta la caresse et fronça lentement ses longs sourcils.

— « Ce n’est pas moi qui suis cruel, — reprit Altaï, — Amaïdée ! ce n’est pas moi.

— Ô Somegod ! — dit Amaïdée avec une adorable naïveté, seule chose qu’elle eût gardée ; seul trésor qu’elle n’eût pas dépensé dans ses somptuosités de Cléopâtre. — Il ne croit à rien, pas même à moi qui ai tout quitté pour le suivre ! Quand je lui parle de mon amour, il ne rit pas, mais il est pourtant aussi sceptique que s’il branlait la tête en riant, et il m’embrasse au front comme un enfant malade qu’on apaise.

— Tu ne m’avais pas parlé de cet amour, ô Altaï ? — dit Somegod avec une voix grave.