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l’échauffement et à la fatigue ; les cheveux n’avaient plus d’autre nuance que celle de quelque tresse dorée qui rayonnait capricieusement dans leur jais et qui s’en détachait d’une façon plus vive aux obliques ondulations de la lumière. Le teint avait repris sa couleur uniforme et mate dans laquelle circulait une vie profonde, sans pourpre aux joues, sans blancheur nulle part ; c’était un bistre fondu dans les chairs. Les sourcils, noirs et arqués, se prolongeaient fort loin dans les tempes, ce qui donnait une expression remarquable à ses yeux, dont les larges prunelles étaient jaunes et d’une si admirable transparence qu’on allait d’un seul trait au fond de ce regard étincelant, humide, cristallin et calme, avait dit Altaï, comme un lac aux pieds des montagnes, mais quand le soleil y verse son or pur dans une mélancolique soirée.

Ce regard ne trahissait rien du passé, de la vie, de l’âme. Il était doux comme l’indifférence, un peu vague, mais sans rêverie qui l’égarât loin de vous. De flamme plus rapide qui s’en échappât, il n’y en avait point. Jamais un désir ne le tournait éloquemment vers le ciel ; jamais un regret ne l’abaissait vers la terre. Ce n’eût pas été