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une grande espérance ; cette femme est faible, et peut-être m’échappera-t-elle. Mais qu’importe ! Quand on a foi, l’action en sort comme une épée de son fourreau ; mais c’est quand on doute qu’il est beau d’agir. Je suis venu te trouver, ô Poète ! dans le désert, ce temple dont tu es le prêtre ; car, si ma parole est trop rude pour ces délicates oreilles accoutumées aux suavités des flûtes et aux endormissements du plaisir, la tienne ne l’effarouchera pas. Elle l’entendra mieux. Elle s’assiéra à tes pieds pour recueillir les beaux fruits tombés de ta cime, arbre merveilleux de Poésie ! Elle oubliera les villes et les grossières ivresses qu’on y goûte. Puisses-tu la relever dans ta grande Nature, la baigner dans ses eaux éternelles et l’en faire sortir purifiée !

— « Ton dessein est beau, Altaï ; il est digne de toi, — reprit le Poète. — Mais qu’as-tu besoin de Somegod ? Tu es bien toujours l’Altaï, le triste et serein Altaï, qui sème sans croire à la récolte, ce généreux laboureur qui jette le blé aux quatre vents du ciel ! Homme infortuné et grand, qui, pour ne plus croire à la Providence, n’as pas apostasié la Vertu, et qui, sans une espé-