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souffre davantage, sans doute ; les horreurs du mépris s’augmentent ; mais on finit par se savoir gré de la violence, — on finit par se reprendre en respect de soi-même pour se frapper si courageusement de son mépris !

« C’est pour cela, ô Somegod ! que je m’arrêtai devant cette femme, à qui les grandes douleurs de la vie n’avaient pas entr’ouvert la poitrine. Elles avaient glissé sur son sein comme sur de l’émail ; mais, même en glissant, elles pénètrent encore, ces épées acérées, et, tu l’as dit, elle avait bu quelques gouttes, ou plein sa coupe d’or, comme nous, à la source des choses. Puisqu’elle avait vécu, elle avait souffert. Ne m’as-tu pas dit quelquefois, ô Poète, ô toi qui n’as pas mis ta destinée à la disposition des hommes, que la vie était un don funeste, que la Nature, comme l’homme, l’apprenait, d’une voix plus profonde et plus douce, mais qu’elle le révélait aussi ; que cela était répandu jusque dans le rouge cœur des plus belles roses entr’ouvertes, au fond de leurs plus purs parfums ! Mais cette vie n’aurait eu pour elle que sa native amertume, si cette honte vague et sentie qui la troublait ne s’y était obscurément mêlée. Ô Somegod ! il ne faut pas l’épaisseur