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à tous les angles de roches sa gorge sanglante qu’elle y fait saigner un peu plus, que des illusions décevantes viendraient se jouer enfantinement de la pensée.

« Mais cette femme, que j’aurais pu aimer sans doute, car qui ne peut-on pas aimer dans la vie ? n’a point été aimée par moi. Le dernier sentiment que je porte dans ma poitrine depuis des années est demeuré sain et sauf. Ce n’est pas une gloire, c’est un hasard, — et je ne m’en enorgueillis pas. Cette femme n’est pas non plus mon amie. Pour qu’une femme puisse être l’amie d’un homme, il faut qu’elle ait une immense pureté ou une grande force. Dans ce monde effronté et dans l’esclavage de nos mœurs, laquelle de ces choses est la plus commune ? Voici trois ans que je les cherche, ces deux perles précieuses, la pureté et la force. Je ne sais pas si Dieu les y a mises, mais à présent Dieu vannerait l’Océan qu’il ne les y trouverait plus ! Pour la pureté, ce serait encore quelques enfances au sein des campagnes, ignorance, hébétement, torpeur, puretés grossières, perle d’une eau terne et d’une transparence bien douteuse ; mais pour la force, ô Somegod ! il n’y aurait rien. Cette femme qui