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J’avais mis la grandeur humaine à souffrir ; je voulais être grand. Pourquoi donc me serais-je épouvanté de l’avenir ? Pourquoi serais-je entré en de telles défiances ? Aussi était-ce une conviction profonde et tranquille comme le sentiment de la vie que je t’exprimais, ô Somegod ! une certitude inébranlable et sereine qui découlait des sommets de la raison et qui projetait sa lumière sur l’âme encore passionnée, et d’une façon si souveraine que l’âme aveugle en sentait confusément la présence et n’osait donner de démentis à cette évidence indomptable. Les années peuvent venir, ô Somegod ! l’homme plie et s’use, mais la vérité demeure, et les expériences successives attestent l’éternité de la raison. Ô Somegod ! j’ai pu aimer encore, j’ai pu retremper mes lèvres dans la lie du calice épuisé, mais, à coup sûr, je n’y ai pas plus trouvé d’ivresse que dans le temps où il semblait assez plein pour ne pas de sitôt tarir ! Si jamais, pas même à l’heure où l’homme, en proie à des émotions divines, est le plus entraîné et s’oublie, la démence n’a pas monté plus haut que le cœur et que le bonheur en qui l’on croit fut étouffé dans un jugement, ce n’est pas quand l’âme traîne ses ailes, lasses d’avoir erré et essuyé