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les Dieux d’Homère, en trois pas elle a fait le tour. Ces paroles étaient bonnes et hospitalières, pleines de sincérité et d’affection ; il les adressait à un homme encore dans la fleur de la vie, quand vingt-cinq ans la font pencher un peu sous le trop mûr épanouissement. — Celui-ci était debout, une main étendue sur les anfractuosités du rocher contre lequel il était appuyé et qu’il dominait de tout le buste, buste mince et pliant comme celui d’une femme, enveloppe presque immatérielle des passions qui semblaient l’avoir consumé. Il tenait d’une main un bâton de voyage semblable à celui que les mendiants, les seuls pèlerins de notre âge, ont l’habitude de porter, et dont il tourmentait rêveusement le sol.

— Te voilà donc, Altaï ! — lui disait Somegod. — C’est bien toi ! Un peu plus avancé dans la vie, après deux ans que nous ne nous sommes revus, après les siècles de ces quelques jours ! Te voilà revenu à Somegod, te voilà cherchant le Poète et sa solitude. Va ! je ne t’avais point oublié. Tu n’es point de ceux qu’on oublie. Quand, il y a trois heures, tu descendais la plus lointaine de ces collines que le soleil