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sa religion, à laquelle il ne croit pas, jusqu’à sa politesse, qui est une formule sans bonne foi et dont le vide fait contraste avec un égoïsme si plein ! C’est un peuple subtil, métaphysicien, ergoteur, où les théologiens sont remplacés par les rationalistes, — le rationalisme existant à la Chine comme il existe en Europe, terme pour terme, semblable, identique, avec son faux respect pour les choses religieuses et sa bâtarde fraternité ! Ainsi que les Romains-Grecs du Bas-Empire, les Chinois sont aussi un peuple de comédiens et de cuisiniers. L’histrionisme, cette passion dernière des peuples futiles, qui ne vivent plus que par les yeux et veulent des distractions pour combler l’abîme de leur ennui et de leur vieillesse, l’histrionisme l’amour dépravé des bateleurs, règne, en Chine, comme il a régné à Rome et à Constantinople et comme il règne chez tous les perdus des civilisations excessives. Enfin, débauchés dans la proportion où ils sont lâches, les Chinois, dont la philosophie européenne a vanté les mœurs si longtemps, ont offert un tel spectacle à Huc qu’il n’a pas osé le reproduire intégralement dans la pleine lumière d’un livre qui doit s’ouvrir sous tous les yeux. Mais ce qu’il n’a pas voulu écrire, nous savons, nous, qu’il le raconte quelquefois, et ces faits, pour lesquels il choisit avec prudence son auditoire, démontrent un tel ramollissement de la fibre humaine chez les Chinois que le premier boulet venu — qu’il soit lancé par un peuple étranger ou par une révolution !