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pour lui-même, comme l’ivrogne aime l’ivresse pour l’ivresse et non pour les délicieuses et pénétrantes saveurs des vins. Si des passions de parti, si des animosités de coterie tachent çà et là les récits de ce gazetier à la petite semaine, elles n’animent jamais sa curiosité qui reste badaude, et ne lui donnent même pas l’aiguillon du taon que la haine, quand elle est vive, sait mettre dans la médisance. Il n’a la profondeur de rien, et il n’a pas de naïveté ! Esprit gaulois, comme diraient les indulgents aux obscénités de sa manière, il est grossier trente-six fois avant d’être une fois spirituel. De gaîté, cette qualité vulgaire et toujours bien venue en France, il n’en a point, quoique le fond de beaucoup de ses historiettes soit comique. Mais, chose remarquable et qui prouve bien l’aridité foncière de ce pauvre homme ! le comique de ses historiettes n’allume jamais sa verve. Son imagination grise et froide n’en reçoit ni la chaleur ni le reflet, et par la nature gourde de son esprit, comme dirait Montaigne, il est condamné au triste rôle d’écrire des gaités sans gaîté, le plus fatigant des esclavages !

Et croit-on qu’après avoir entassé tout cela nous ayons fini sur le compte de ce bon littérateur de Tallemant des Réaux, auquel on délivre un brevet d’illustration personnelle avec une si aimable facilité ? On se tromperait si on le croyait. Nous n’avons point fini encore. Il y a pis pour un homme que de ne pas savoir