Page:Barbey d’Aurevilly - À côté de la grande histoire, 1906.djvu/45

Cette page a été validée par deux contributeurs.

serait un bon argument. Les Russes écrivent peu ; nous en avons dit les raisons. Ils sont d’ailleurs plus près du fait que de la pensée, et, quand ils pensent, ils inventent moins qu’ils ne se souviennent. L’ouvrage en question, entièrement russe, a été traduit en français par un homme d’esprit, de savoir et de goût. Chopin a eu l’heureuse idée de réunir en un volume[1] plusieurs Nouvelles dues à la plume des écrivains russes les plus vantés dans leur pays. Deux surtout parmi eux semblent avoir fixé la renommée, qui s’en va parfois comme elle est venue, et sans avoir plus de raisons pour s’en retourner que pour venir.

Pouchkine et Lermontoff attendent encore que l’Europe s’occupe de leurs œuvres. Pouchkine, il est vrai, a commencé de jeter sur le tambour des journaux français son nom cymbalique, un de ces noms, par parenthèse, que la gloire aimerait à faire sonner ! Il nous semble que Mérimée a traduit quelque chose de Pouchkine, dans ce style ferme et sobre de Mérimée qui donne à la pensée la densité peut-être un peu sèche du métal. Mais Lermontoff est moins connu. Eh bien, tous les deux, si nous nous en rapportons à ce que Chopin en publie[2], établissent, par leur genre de talent et par leurs œuvres, qu’on n’a pas vu luire en Russie le premier signe d’une littérature ! Bien avant ce moment, on y verra des académies, et même des gens de

  1. Reinwald.
  2. Ne pas perdre de vue l’époque où ceci a été écrit.