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jets graves, avec plus de bonne volonté que de bonheur. Nous nous rappelons qu’il nous a gâté l’un des plus beaux sujets qu’il fût donné de toucher à la plume d’un historien, d’un savant, et même d’un artiste. Ce beau sujet, c’était Swedenborg. Swedenborg ! un véritable phénomène ; Swedenborg ! l’imagination boréale, plus éclatante qu’une aurore, ce cerveau apocalyptique, l’Hécla intellectuel qui a fondu pour la première fois les neiges d’un Protestantisme glacé ; Swedenborg ! le grand naturaliste, l’observateur vaste et sûr qui, bien avant de s’embraser dans sa vieillesse, comme un bûcher de cèdres, séché par le temps, aux flammes de la mysticité, avait deviné et devancé tout le système de Buffon. Tel était l’homme que Beaumont-Vassy avait voulu peindre, dans un cadre digne tout au plus de Cagliostro. En l’absence de William Shakespeare, trépassé il y a trois siècles, Beaumont-Vassy avait pensé à nous ressusciter le galbe imposant de cet halluciné sublime dans je ne sais quel drame, — ou plutôt dans je ne sais quelle scène historique de longue haleine comme ont imaginé d’en écrire les hommes qui ne savent pas remuer puissamment l’échiquier du théâtre, où les conceptions de la pensée se carrent et se cubent sous l’empire des plus difficiles combinaisons. Depuis cette époque, l’historien-poète de Swedenborg a renoncé aux interprétations dramatiques de l’histoire, et il s’est restreint aux fonctions plus modestes de l’annaliste, qu’il a