Page:Barbey d’Aurevilly - À côté de la grande histoire, 1906.djvu/344

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

descendue de sa hauteur féodale, et se pressant, avec un incroyable amour, — un amour de race, — autour de cette Royauté qui l’a frappée un jour avec la hache de Richelieu, mais qui n’avait pas fait couler avec son sang ce vivace royalisme qu’elle avait au fond de ses veines… Il en était resté, et Louis XIV, le vampire de cette noblesse et qui se nourrissait de ses richesses et de son sang, ne l’épuisa pas. Ce royalisme qu’aucune royauté, hors de France, n’inspira avec la même force et avec le même enthousiasme, non seulement mourait pour le roi, mais se ruinait pour le roi, — une manière de mourir plus terrible pour ces orgueilleux et ces puissants que de tout simplement mourir ! « Les honneurs amènent les grandes dépenses, » disait tristement madame de Sévigné, et plus on était haut et plus on l’éprouvait. Elle sentait que toute cette magnifique maison des Adhémar allait crouler, et que ni la faveur du roi, ni les cordons bleus ni les gouvernements de province ne la sauveraient de sa ruine. C’était la ruine par amour du roi, — par nécessité d’aller à Versailles faire la cour à ce monarque idolâtré. Quand on n’était pas en train de se faire tuer pour lui sur quelque lointain champ de bataille, il fallait qu’on le vît !… Il fallait sa présence réelle, comme celle de Dieu ! Il fallait qu’on s’enversaillât, — comme disait « le vieux hibou hagard, né entre ses quatre tourelles », le vieux marquis de Mirabeau qui, lui, était resté un féodal. Frédéric Masson nous a ra-