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fond, n’est plus ennuyeux, quand rien, au contraire, ne devrait être plus intéressant, pour la curiosité et la réflexion, que l’étude des moyens ignorés jusqu’ici pour obtenir, en diplomatie, ces résultats qu’on admire et dont on se demande ce qu’ils ont coûté.

Question d’historien et tout à la fois de moraliste ! Mais ce n’est, certes ! pas en évoquant ce livre qu’on pourrait y répondre. Dans ce livre, intitulé : Hugues de Lionne, et, par-dessus Hugues de Lionne : la Diplomatie au dix-septième siècle, il n’y a pas plus de Hugues de Lionne que de diplomatie. L’un et l’autre ne sont là que nominativement. Impossible, en cette double histoire, de saisir nettement, dans le cours des négociations qu’on y raconte, les fautes, s’il y en eut de commises, et les tours de souplesse, de force ou de génie, s’il s’en produisit. Histoire écrite sans pénétration, sans pincement des faits pour en exprimer l’intime essence, sans clarté profonde et à l’aveuglette, par un tâtonneur qui a mis la main sur un carton et qui nous le vide, par pièces et morceaux, sur la tête ! En l’acceptant comme elle est écrite, on se demande si la diplomatie est plus qu’une alchimie de riens, — ou quelque obstiné travail d’insecte, quelque tissage de fils d’araignée, interrompu et recommencé dans des circumflexions, sur place, infinies, — et on se sent pris, pour ces petits travailleurs en grandes affaires, du mépris qu’avait pour la médiocrité des meneurs du monde le grand chancelier Oxenstiern, qui s’y connaissait !