Page:Barbey d’Aurevilly - À côté de la grande histoire, 1906.djvu/283

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

élémentaire. Elle consiste à couper avec des ciseaux des dépêches et à les accompagner de quelques lignes de commentaires. Encore si elles pétillaient de génie ! Comme on le voit, c’est la méthode des faits Paris dans les journaux, appliquée à l’histoire, et Valfrey n’est pas même le premier qui ait aplati — jusqu’à ce degré de platitude — la pauvre histoire diplomatique. Il y avait avant lui Armand Baschet (dans ses Ambassades vénitiennes), qu’évidemment il imite. Otez les fragments des dépêches de Lionne, qui ont leur intérêt, mais qu’on aimerait mieux intégrales que coupées, quelle que soit l’intelligence des ciseaux, et vous n’avez plus rien que les quelques petits verres d’eau de réflexions dont Valfrey les arrose ! Dans l’histoire de ces négociations, puisqu’on tenait à l’écrire, ce qu’il importait de faire voir, c’était le détail mouvementé de ces négociations ; c’étaient les intrigues qui s’y mêlèrent ; c’était l’attaque et la résistance, la guerre diplomatique enfin, et surtout les négociateurs, — l’individualité des négociateurs. Supposez Michelet ou Chateaubriand, ou tout autre historien qui aurait eu le sentiment profond de l’Histoire, croyez-vous qu’ils n’auraient pas animé devant nous, et fait vivre dans leur action même, Innocent X, Alexandre VII, les Barberini, le duc de Parme, tous les hommes, enfin, à qui Lionne eut affaire, en ces deux négociations, dans lesquelles, il faut bien le dire, il fut battu, mais ne fut pas content ? car Lionne n’était point de l’école de ces diplomates impassibles.