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teur d’un autre genre, car c’est calomnier un homme que de lui retirer de sa grandeur sans en avoir le droit.

Or, Guizot, qui a le bouchon protestant sur l’esprit et qui ne comprend que les prêtres mariés, impute à Grégoire, comme une faute d’homme d’État dommageable à l’Église, ce célibat des prêtres que Grégoire maintint avec une si formidable volonté. Renée aurait pu ajouter encore à tous ces docteurs et dictateurs de l’histoire : Thierry, qui fait de Grégoire VII un ambitieux à la manière humaine, voulant tout simplement, au prix de flots de sang, la suzeraineté de l’Angleterre ; Michelet, qui en fait un sceptique ; et Quinet, qui déshonore de son respect le saint pontife, après l’avoir transformé en révolutionnaire religieux, en une espèce de Robespierre ! Mais Renée s’est arrêté ; il en avait assez. Il en avait assez pour montrer l’injustice de l’histoire et pour vouloir la réparer.

Eh bien, il l’aura réparée ! Il s’est dévoué à cette tâche de vérité avec une ardeur sans égale, et, dans cette histoire de la comtesse Mathilde, il a fait d’un seul coup deux histoires. La « grande Italienne » lui a appris le grand Italien, ou plutôt celui qui n’est plus Italien, mais pontife, représentant de Dieu sur la terre, impersonnel et universel comme le vicaire de Jésus-Christ, le chef de la catholicité. L’historien des femmes a passé à l’histoire des hommes, et il a déployé, dans cette histoire, une capacité plus forte que celle qu’on lui connaissait. Jusqu’ici on l’avait vu pénétrant, fin.