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quelquefois dans l’histoire où, excepté l’action du caractère et de la main, il y a tant de choses qui pourraient ne pas être et qui sont indifféremment là ou là ; mais, par-dessus ces divers hommes, il y a le peintre de plume, l’écrivain d’imagination et de style, l’anti-Genevois, l’anti-Sismondi ! Voilà ce qu’il ne faut pas perdre de vue dans ce singulier continuateur. Il a le mouvement du récit. Par exemple, la guerre d’Amérique est enlevée. Mais ce qui donnera le caractère à ce livre, qui est une galerie, ce sont les portraits. Autour et à côté de ce Louis XVI, peint — on peut le dire — jusqu’aux entrailles, il y en a une formidable quantité. Il y a la reine en pied et de face, éclairée comme elle ne l’avait jamais été jusque-là, la reine, éblouissante et suave, restituée à ce fond d’éther qu’on avait trouvé le moyen affreux de salir, et sur la lumière bleue duquel ressort bien sa pure et grande physionomie. Toute âme, elle, comme Louis XVI était tout physique, toute âme, mais non pas toute intelligence ; car, lorsque son tour arriva de gouverner sous ce roi, qui n’était pas roi et dont le néant tuait la France, elle prit Brienne, croyant tenir le Kaunitz de sa mère ! Brienne, qui a affilé la plume de Renée d’une gaîté sarcastique pire que le mépris. Et après la reine il y a Monsieur, le comte d’Artois, le duc d’Orléans, les dames de Polignac, et puis Maurepas, Turgot, Necker, Saint-Germain, Vergennes, Calonne, Malesherbes, Franklin, Mirabeau, désanimalisé pour cette fois, qui