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retors qui a remplacé l’énigme par le mensonge et auprès de qui tous les sphinx de l’Egypte sont des niais à la lèvre pendante, n’y a-t-il pas toujours moyen, si on ne met pas la main sur le flambeau de la vérité, de faire partir, en frottant son esprit contre tant de récits, les allumettes du paradoxe, et d’agir ainsi, fût-ce en la déconcertant, sur l’Imagination prévenue, qui s’attend à tout, excepté à l’ennui, quand on lui parle de la Chine et des Chinois ?

Et c’était là ce que nous disions avant d’ouvrir les deux effroyables volumes de cinq cents pages sur deux colonnes que Firmin-Didot a publiés dans sa vaste collection de l'Univers pittoresque, entreprise, peut-être, pour prouver la supériorité des ordres religieux en matière d’œuvres collectives sur toutes les individualités scientifiques ralliées dans un intérêt commercial. En lisant le nom des deux célèbres sinologues au front du livre de Didot, nous nous promettions une grande volupté de lecture ; car un sinologue, ce doit être au moins la moitié d’un Chinois, tant la langue tient de place en Chine ! C’était donc une histoire de la Chine que nous allions lire, écrite en français par deux Chinois… presque, et par deux Chinois à boutons de nacre, deux mandarins ! Cela promettait d’être exquis. Après les grands travaux du Père Du Halde, du Père Grosier, du Père Amyot, du Père Gaubil, et de tant d’autres Pères jésuites, qui firent, pendant un moment, de la Chine une province de