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témoin et dans l’action, pour qu’on les croie. Nous ne faisons fî de rien en histoire. Jamais on ne fera mieux équilibre à ce que la Révolution eut de terrible qu’en mettant à côté ce qu’elle eut de burlesque. L’homme est si lâche que l’affreux lui impose ; mais voici l’antidote à côté du poison ! Le mouvement insurrectionnel du fédéralisme se résuma donc tout entier dans la ville du Refuge pour les Girondins, dans la déclaration anonyme de l’insurrection (ce fut Vaultier qui, en raison de ses bouillants vingt-deux ans, prit sur lui le dangereux honneur de signer cette déclaration qu’il n’avait pas écrite), et, dans l’expédition panique de Brécourt, un seul coup de canon qui ne porta pas et mit en fuite deux braves corps d’armée. Seulement n’est-ce pas trop de patriotisme de la part de Vaultier que de réclamer pour le compte de sa ville l’éclat de ces splendeurs de politique et de guerre, et de contester sérieusement aux Girondins arrivés à Caen l’influence d’événements pareils ?…

Ainsi, c’est toujours la même chose. Misère d’une société dont le plan était troublé alors jusque dans ses dernières profondeurs ! Pendant tout le temps que dura la Révolution, toutes les villes, Lyon excepté, qui eut du moins le mérite de l’horreur (et nous ne parlons pas de la Vendée, cette guerre de géants, comme disait l’Empereur), toutes les villes se conduisirent à peu près de la même manière. Elles se pillèrent les unes les autres, tant elles eurent toutes le