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de la France par Paris, la question de la centralisation même. Cette centralisation, du reste, ne doit pas être mise uniquement au bilan de la Révolution, qui a bien assez de ses autres charges sans celle-là. Le décret révolutionnaire qui changea nos provinces en départements ne fut — il est juste de le dire — que la consommation officielle d’un fait accompli depuis longtemps déjà. La prépondérance des politiques avec Henri IV, la dictature de Louis XIV et les mauvaises mœurs de sa cour proxénète, le système de Law et ses conséquences, avaient été autant de causes de cette concentration hypertrophique que la Révolution augmenta, n’y pouvant remédier.

En créant les départements, la Révolution, tombée dans la démagogie, était impuissante à organiser la vie dans ces sortes de chefs-lieux. Elle n’avait pas reçu ce don du ciel. Elle ouvrait des abîmes, guillotinait, émiettait le pays tout en l’étouffant. Elle instituait des rivalités petites et mesquines contre le fantôme imposant des anciennes provinces et leurs souvenirs, espèces de sentinelles jalouses placées autour d’autant de tombeaux ! Nous qui sommes venus après elle, nous avons hérité de cette exhérédation. Beaucoup d’esprits, et de bons esprits, parmi nous, rêvent la décentralisation à cette heure, mais la décentralisation relative ; car toute autre irait plus loin que notre constitution historique ou nationale ne pourrait le comporter.