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choses, ou est-ce un académicien ? Montesquieu, dont nous avons beaucoup parlé parce qu’il a longtemps empêché Tocqueville de dormir, et surtout parce que ses amis ont prétendu qu’il le ressuscite, Montesquieu ne lui a pas donné cette phrase courte, ingénieuse, imagée, qui sent l’épigramme, il est vrai, mais qui nous réveille en nous piquant et nous enlève par le trait à la monotonie. Tocqueville n’a jamais, lui, qu’une phrase longue, suffisamment arrondie pour rouler toujours du même train sur le même plan, et ce train-là n’est pas la foudre ! Tocqueville, qui a de la propreté plus que de la propriété dans la phrase, est un écrivain de troisième ordre, et, pour emprunter aux faits de son livre une image, il ne sortira jamais du tiers pour passer dans l’ordre de la noblesse littéraire. Sa réputation, qui s’est élevée sous des souffles trop favorables, retombera d’elle-même, et l’on peut déjà calculer l’abaissement prochain de ce ballon. En France, on n’aime pas longtemps ce qui ennuie, et voilà le mot accablant, mais vrai, que la Critique est obligée de prononcer. Tocqueville ne nous apprend rien. Il est contradictoire. Il est vide quand il n’est pas faux. Il n’a pas le style qui fait pardonner tant de choses, et, par-dessus tout cela, il est ennuyeux.