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nistrative que soit la France dans son esprit, elle ne l’est cependant pas à ce point qu’un changement survenu dans sa centralisation ait été la cause décisive et suprême de la plus terrible, de la plus profonde de ses révolutions ! Écrire une telle chose sérieusement, c’est une dérision de l’histoire, c’est prendre l’accident pour la cause, le symptôme pour la maladie, les conséquences pour le principe. C’est le trouble de toutes les notions. La Révolution française ne tient aux derniers faits qui la précèdent que comme le verre d’eau tient à la dernière goutte qui va le faire déborder ! Que Tocqueville voie le caractère essentiel de la Révolution française dans le changement administratif, qu’il phrase tant qu’il pourra sur la taille, la corvée, l’exemption d’impôts pour les nobles et la liberté politique, si chère à son cœur, il ne nous donne que les anciennes vues de détail de l’école philosophique et physiocratique dont il est le disciple attardé, et il répond à la question par la question même. Les causes morales échappent à son regard, les causes morales, qu’on trouve au fond de tous les problèmes politiques. Pas une seule fois dans ce volume, maigre de raisons et enflé, ou plutôt soufflé de phrases, l’auteur de l’ancien Régime et la Révolution n’a su porter un ferme regard plus haut que le plain-pied des questions dernières. Car c’est toujours de haut que les révolutions descendent, et les gouvernements se trahissent longtemps eux-mêmes avant d’être trahis par les peuples. S’il avait été réelle-