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avoir pour jamais fixé l’opinion dans la lumière de ses découvertes, a-t-il au moins assez éclairé le confluent de ces deux faits, qui sont à eux seuls toute l’histoire de France ? A-t-il au moins dégagé des points ignorés, ouvert des horizons, saisi des fragments de vérité, originale et surprise, et, par là, obligé les historiens futurs à compter avec sa pensée ? Tocqueville, l’auteur de la Démocratie en Amérique, — un livre dépassé et passée — s’est-il assez accru, s’est-il assez mûri pour arriver à ce résultat considérable ? Il s’est tu longtemps. Il s’est recueilli. Il a travaillé. Le silence protège la réflexion. C’est du silence que sortait l’oracle. Alexis de Tocqueville, dont le genre de talent n’est ni l’abondance, ni l’élan, ni l’ampleur, ni la force active, a consacré, nous dit-il, un an et plus à tel chapitre assez court de son ouvrage. Le silence ne lui a donc pas manqué. L’oracle y est-il ?

Nous venons de lire son livre avec le respect qu’inspirent les choses que le temps parfume et couronne de cette auréole de réflexion qui est la gloire de la sagesse, et, malgré notre profonde sympathie pour les œuvres lentement écrites et opiniâtrement élaborées, nous n’y avons pas trouvé ce que nous cherchions. Non seulement nous n’y avons pas vu la solution du problème historique qui s’y agite, mais pas même un mot nouveau et concluant sur les deux époques qu’on veut expliquer. Il est vrai que Tocqueville n’est pas organisé pour conclure. La Démocratie en Amérique,